Une installation filmique de Christophe Guérin accompagnée d’une installation sonore d’Emmanuel Lalande
Pour prolonger son exploration des différentes formes d’art contemporain qui interrogent l’architecture moderne et particulièrement celle du Havre, La Forme invite le cinéaste Christophe Guérin à créer une proposition spécifique pour le lieu. La matière première de cette installation, Double Cross, vient des images tournées pour mon film Cross (2014, 4’50). Filmé en Super 8 noir et blanc, Cross est un parcours à travers le centre reconstruit du Havre, soumis à une double condensation. Temporelle : le trajet dans la ville, filmé en discontinu est restitué par un flux d’images précipité. On ne flâne pas, la visite se fait au pas de course, au risque de la chute. Spatiale : Les parcours se chevauchent, se croisent ; les points de vues se multiplient, l’horizon fait défaut, les lignes s’entrecoupent. L’espace ordonné du tissu urbain est totalement brouillé.
Afin d’immerger littéralement le spectateur dans le tissu du film mais aussi d’interroger le dispositif traditionnel de la projection, l’installation se présentera en deux parties.
Le premier espace est entièrement recouvert de plusieurs séries d’images fixes extraites des séquences filmées. Les cinq cent images de 37,5 x 28 cm sont collées directement sur le mur, bord à bord comme un papier peint. Le second espace accueille un ensemble de vidéoprojecteurs disposés pour créer une multiprojection qui couvrira l’essentiel des murs.
Le travail plastique de Christophe Guérin s’attache à jouer des qualités techniques de l’image filmique. Ici la présentation en basse définition des images fixes ou animées et le dispositif en all-over participent à une disparition des repères.
Noir et blanc contrasté, lignes de fuite basculantes, cadence accélérée, diagonales instables contribuent à la vision baroque que donne Cross de l’architecture Perret, rendue quasi illisible. Cette approche antidocumentaire est renforcée par l’ajout d’un effet 3D artisanal qui, loin d’apporter une impression de réalité supplémentaire, est davantage de l’ordre de la fantaisie ciné- graphique. On pourra ainsi faire l’expérience de Double Cross avec ou sans lunettes.
A son tour Christophe Guérin a invité le compositeur Emmanuel Lalande qui réalisera une installation sonore, complémentaire mais indépendante de l’installation visuelle. Pour La Forme Emmanuel Lalande présente une installation qui propose de figer la temporalité du son dans l’espace de sa diffusion. Le public est invité à se déplacer à l’intérieur de cet espace pour saisir et appréhender une courbe sonore qui ne s’arrêtera jamais. Les boucles passées qui se répètent et changent de manière imperceptible, fabriquent le présent de l’écoute. Les repères sont brouillés et le temps s’arrête, fixé dans les subtilités du déploiement de la boucle sonore.
Christophe Guérin
Ses principales activités témoignent de son implication dans la mouvance du cinéma expérimental. Comme programmateur, il a organisé plusieurs centaines de projection au sein de l’association eluparcettecrapule qu’il a fondé en 1992. Et depuis 2010, c’est dans le cadre du MuMaBoX – le rendez-vous mensuel du MuMa autour de l’image en mouvement – qu’il propose une programmation exigeante.
Comme cinéaste, il a réalisé une vingtaine de films qui tournent essentiellement dans le circuit des festivals internationaux. Parmi eux, Le Havre : port (2008), acquis par le FRAC Haute-Normandie, Romances sans paroles (2013), sélectionné au Tribeca Film Festival de New York en 2014 et Cross (2014), sélectionné en 2015 au European Media Art Festival Osnabrück (Allemagne) et au Fronteira Film Festival (Brésil). Il est également trésorier de Light Cone (coopérative de cinéaste et un des plus importants distributeurs de cinéma expérimental en Europe).
La Forme 